Accueil > BLOG VOYAGES > Chine > Cure de paysage > La résidence d’artistes

La résidence d’artistes

mardi 16 décembre 2008, par Jean Landré

Les styles Chuang Dou Shi (résidences) et Tai Liang Shi (musée)

Ce matin, les étudiants sont partis tôt pour aller mesurer précisément la structure du bâtiment en bois de type Chuang Dou Shi, cher à Frédéric et situé à perpette au nord de Guilin. Aucune interface anglais-chinois n’est donc présente à l’auberge du village permettre aux français de communiquer avec M. Lù durant la journée, y-compris avec l’hôtelier qui ne veut pas comprendre que les français ne déjeuneront pas à midi, comme à l’accoutumée, mais à trois heures. Les étudiants Ye et Joyce, au cours de leur déplacement, ont fait la connaissance d’un architecte de 83 ans qui leur a expliqué différentes techniques de charpentiers. Frédéric saute sur l’occasion pour le faire inviter le ‘Lao’ [1] à JiuXian.

Villa « mulet »

Nicolas CORBOZ, ce jeune savoyard, rencontré la semaine dernière arrive aujourd’hui lundi. Il est recruté par le projet, à l’essai pour un mois, le temps de se faire accepter par l’équipe. Dès son arrivée, Fred lui prépare deux bains : d’abord un bain de chinois, lors du petit déjeuner en tête à tête avec M. Lù. Nicolas, au débotté, devra jouer le rôle d’interprète, mais en français. Le second bain est montagnard puisque fred a décidé d’attendre que se lèvent les brumes matinales pour grimper derrière JiuXian, vers le mont Guan Yin, dans la zone de pinèdes où il veut installer la résidence d’artistes.

Le chemin part de ces baraques en adobe que Fred a tôt fait de surnommer ‘Villas Mulets’, y voyant déjà une écurie d’ânes, importée de la montagne, au nord de Guilin, pour jouer les taxis dans la randonnée des sommets qui se prépare.

Nĭhăo [2] ! Un paysan, croisé sur le chemin salue les trois hommes. C’est pour Jean, l’occasion de lui faire demander le nom des pics alentours. Provisoirement, ils sont notés ci-contre par Nicolas.

En attendant les palanquins

Jean assiste ce jour-la à l’envolée de son ami. Bien qu’ayant travaillé jusqu’à 4h du matin sur un document informatique, Fred est assez frais pour gambader sur les rochers, à la conquête du « lieu magique », derrière le mont Guan Yin [3]. Il est évident qu’on ne peut pas mélanger les milliers de touristes qui vont jacasser dans les allées du Parc, avec le recueillement indispensable aux artistes et esthètes qui viendront en ‘seven days workshops’.
 J’ai trouvé la solution, sur un circuit complètement différent de celui du Parc ’End of February’. On va tester l’accès, même si certaines parties de la piste seront à revoir.

1001 nouvelles idées émaillent la montée :
  le palanquin [4], pour acheminer les touristes au sommet ?
 Le marché du mariage. Considérable en Chine. Les trois français éclatent de rire en imaginant la mariée, sur son palanquin nuptial.
 Pourquoi pas des mulets, sur ce sentier pentu ?
 Un monte-charge, lorsque la piste devient vraiment escarpée.
 La pompe de 20 kilo bars pour monter l’eau de la source sur le plateau du Guan Yin que Jean surnomme « Gavarnie ».

La résidence d’artistes du Mont Guan Yin

Fred retrouve les chèvres sur le plateau, laissant loin derrière, les jeunes qui le suivent ! Parcourant les trois ou quatre niveaux du plateau, il explique à Nicolas l’orientation des corps de bâtiments dont il a rêvé lors de sa courte nuit.
 Ce pin, très beau sera dans la cour, entre les deux corps de bâtiments.
 Nous intitulerons ce lieu : "Guan Yin mount artist residence, guest house and workshop center"
 Les chambres ouvriront plein sud sur le mont protecteur. Quelle merveille !
 Là sera le cours de Taï chi. Jean, prends une photo !
 Sors ta boussole, dis-moi ou est le Nord !
 Il est midi solaire, mon Grand. Regarde ton ombre, t’auras le nez au nord !
 Sur l’autre versant, la source est plus proche. Allons-y !

Une descente plus pénible que la montée.

Poet Wang Wei
You sit alone in the bamboos, play the lute and sing aloud.
Your mind lost in the forest,
Nobody notices you.
Just the moon comes to visit.

C’est plein de ronces. Jean préfère attendre le retour des explorateurs. 15h approchent, il est temps de redescendre si l’on ne veut pas s’exposer aux foudres de Li, le cuisinier. Fred aborde alors les éboulis avec plus de prudence qu’à la montée. Son benjamin, en tête, observe les questions qui remplacent bientôt les affirmations.
 Où creuser pour capter l’eau plus haut ?
 Tu ne connais pas de sourcier ? Non, c’est une profession inconnue ici.
 Et si on installait un monte-charge ou un treuil pendant la durée des travaux ?
 Et un téléphérique pour les touristes ensuite ?
 24 madriers pour les montants d’un bâtiment Shuan Dou Shi. Avec les poutres et les tuiles, ça fait quel poids à monter ?
 Et les briques d’adobe, quel poids peut monter un mulet ? 70 Kg, le poids d’un bonhomme ?
 Deux allers-retours par jour par mulet, ça fait combien de temps pour tout monter ?
Cinq cents ans comme pour la muraille de Chine, répond Jean, grinçant. Tu es beaucoup plus prompt à monter (sur ton nuage) qu’à redescendre sur Terre. Bon OK répond Fred, je viens de trouver un inconvénient majeur à ce projet de résidence d’artistes là-haut. Mais d’abord, listez-moi les vôtres, demande t-il.
  depuis 5 000 ans que cette terre de Yangshuo est habitée, jamais personne n’a construit un toit là-haut. On ne trouve que des tombes.
 La logistique est considérable. Pas d’électricité, pas d’eau, rien à bouffer.
 Alors et toi ?
  Le bruit. Il faut bien prévoir un personnel d’une douzaine de personnes, au service des groupes. Personnel qui parle fort, manie le hachoir avant les repas… sur le plateau aux échos… J’ai peur de la cacophonie…
Affaire à suivre.

Apprendre à pêcher.

Les tâches augmentent, le projet se complexifie. C’est "to do list" qui avait occupé Fred jusqu’à 4h du matin, la nuit dernière. Jean réfléchit à l’installation d’un des logiciels, aptes à enregistrer les différents aspects qui occupent les concepteurs : la liste des tâches, les ressources, le coût, les contraintes de temps, avec le calcul du CPM [5]. Fred semble ignorer ces techniques et veut tout absorber. Mais Lao-Tseu (encore lui) dit : "quand tu vois un homme qui a faim, apprends lui à pêcher". Alors, une petite formation devrait passer par là.

Article précédent : Buisiness model

Article suivant : Production de CO2


[1Lao, très respecté par les chinois, signifie ‘le vieux’

[2Nĭhăo = Salut. C’est le premier mot chinois que l’on apprend

[3le Guan Yin est un Dieu qui protège les hommes.

[4palanquin, sorte de chaise à porteurs. Viendrait d’un mot sanskrit (palkhi) signifiant lit. Sedan chair en anglais

[5CPM : Critical Path Method ou chemin critique. Méthode de recherche opérationnelle, aussi connue sous le nom de méthode PERT (Program Evaluation of Research Techniques) utilisée en gestion de projets.